UN OUAGALAIS A CONAKRY : Comme un gaou à Paris !
mercredi 10 novembre 2010
Dès qu’on met pour la première fois les pieds sur le sol d’un pays, forcément, les yeux mettent du temps à s’accommoder au nouveau paysage. Mais avant cette heureuse étape, il n’y a pas mal de bévues, de genoux qui cognent des obstacles, qui sanctionnent l’adaptation. Dans le carnet de route qui suit, dont nous avons tracé les lignes en revenant du second tour historique de Guinée, les Burkinabè se feront une petite idée de ce pays et les Guinéens vivant au Burkina auront certainement de quoi rire. Dès que nous avons mis les pieds sur le sol guinéen, après un vol Ouaga-Conakry via Bamako, la première chose qui nous a accueilli : "Vous ne changez pas de billet ?". Question qui a ramené le nez, que nous baladions sur l’échafaudage en tournis de l’aéroport de Conakry, sur un monsieur qui tenait des grappes de papier dans la main.
Aussitôt riche, aussitôt pauvre !
En fait de papier, ce sont des billets de francs guinéens (FG). Première remarque : nous ne sommes donc plus au Burkina ni dans la zone CFA. Nous avons demandé : "C’est combien ?" "65 000 FG pour 5 000 F CFA", a répondu le monsieur. Nous sommes aux anges. Et encore plus lorsque nos maigres 50 000 F CFA sont devenus ... 700 000 FG ! Nous avons tellement de billets que nous ne savons où les mettre. Nos poches étaient aussi gonflées que le ventre d’un éléphant en grossesse. Nous partons pauvre de chez nous et arrivons riche en pays étranger ! Chouette, nous sommes-nous dit.
Mais voici les premiers achats : une carte SIM pour communiquer et un taxi pour trouver un hôtel en ville. La carte SIM entame notre enthousiasme de nouveau riche : 5 000 FG. Le coût du taxi le mit sérieusement mal en point : 50 000 FG. L’hôtel ? Il l’acheva : 140 000 FG la nuitée ! Et figurez-vous que c’est peut-être la chambre la moins chère de la ville. Mais avant d’arriver à l’hôtel, il fallait traverser la ville. Et là, notre cœur de Ouagalais a failli décrocher. Nous étions habitué aux acrobaties des routes de Ouagadougou. Mais mises devant celles de Conakry, ce ne sont que des mises en jambes. D’abord, des bouchons monstres.
Ensuite, une cacophonie infernale faite de klaxons, de cris, de vrombissements de tout acabit. Enfin, une drôle de façon de circuler qui consiste à rouler à cent à l’heure sur de petites portions entre deux véhicules, quitte à freiner à mort pare-choc contre pare-choc ; ne jamais laisser la priorité à quiconque et s’insulter à l’envi ; le tout, sans aucun feu tricolore et devant des policiers qui n’interviennent que lorsqu’un pied a appuyé trop tard sur un frein ! Lorsque le chauffeur du taxi a freiné devant notre hôtel, nous avons cru au miracle. Mais nous avons passé une excellente nuit car le temps n’est ni chaud ni froid et surtout, nous insistons là-dessus, sans cette poussière qui nous sert actuellement de couverture à Ouagadougou. Mais ce qui est frappant à Conakry, c’est le manque d’eau et d’électricité. Les délestages et les coupures d’eau sont très récurrents à Conakry. N’empêche, grâce au groupe électrogène de l’hôtel, nous avons eu l’électricité et l’eau a fini par revenir.
Quand la mer devient la pluie
Le lendemain matin, nous avons décidé de nous dégourdir les jambes avant d’aller à la chasse aux infos. C’est là que nous avons vu qu’une pluie se préparait. Nous avons remarqué néanmoins une dame qui vendait quelque chose. Nous nous approchons pour voir. Miracle ! C’est du "benga" ! Nous commandons un plat. Mais surprise. Au lieu du plat de petits haricots rouges arrosé d’huile et de sel auquel le Ouagalais que nous sommes est habitué, c’est un plat de gros grains rouges, arrosés de sauce rouge et de mayonnaise. La dame, tout sourire, nous mit ensuite entre les mains une grosse tranche de pain. Lorsque nous avons englouti la première bouchée, nos oreilles sifflèrent, une chaude fumée sortit de nos narines tandis que nos yeux se transformèrent en fontaines. Nous nous abattîmes sur le gobelet d’eau qui nous fîmes tarir. Nous lançâmes ensuite un regard de biais au plat de benga épicé plus que de raison. Nous étions prêt à jeter l’éponge lorsque la dame nous dit quelque chose que nous ne comprîmes pas. Mais son sourire était si encourageant que nous eumes un pincement au cœur en pensant que nous pouvions la décevoir en quittant illico la table.
Nous nous efforçâmes donc et vinmes à bout du benga, à grands renforts d’eau qui rentrait par notre bouche et ressortait par les yeux. Ce qui les nettoya et nous permit de voir que l’amoncellement de nuages que nous avions vu n’avait pas avancé d’un iota. Nous avons dit aux autres clients de notre dame que l’élection risquait d’être arrosée. "Non, ce n’est pas la pluie, c’est la mer !", nous ont-ils répondu. Nous ne comprimes pas. "C’est la mer qui est là-bas. La plage". Alors nous avons compris et nous voilà parti. Un Ouagalais à Conakry !
Taxi, où allez-vous ?
Notre ignorance a eu l’occasion encore de s’épanouir. En effet, nous avons voulu quitter Kipé, où se trouve notre hôtel, pour le centre-ville. Renseignement pris, on nous dit que nous devrions prendre un taxi pour Bambeto. Nous nous sommes arrêté au bord de la route, levant la main et vociférant "Bambeto" à chaque taxi qui passait. Mais contre toute attente, malgré l’assurance de notre source d’information qui nous a dit que n’importe quel taxi va à Bambeto, aucun ne s’est arrêté. A un moment donné, nous nous mîmes à parler seul et notre index désigna le sol. Automatiquement, un taxi a freiné devant nous. "Bambeto ? Montez !" Encore une fois, nous n’avons pas compris. Mais ayant passé une bonne demi-heure à attendre un taxi, nous n’avons pas voulu trop discuter. C’est arrivé au rond-point de Bambeto que nous avons compris. Des Guinéens, postés au bord de toutes les voies du carrefour, gesticulaient. Les taximen aussi gesticulaient de la main et s’arrêtaient sans que leurs potentiels clients n’aient prononcé une parole. Un voisin nous a expliqué le tuyau. Car il y avait un tuyau ! A Conakry, on ne s’égosille pas pour stopper un taxi. On joue de la main. Index fixant vers le bas ; doigts pliés et pouce indiquant vers l’arrière ; doigts qui se secouent comme pour se débarrasser de gouttes d’eaux... Ce sont autant de signes convenus qui désignent chacun un endroit précis. Un Ouagalais à Conakry ! Le soir de l’élection, notre ami et correspondant du "Pays" à Conakry, Abou Bakr, qui nous a rendu le séjour agréable, a eu l’amitié de nous ramener à l’hôtel.
Arrivé au rond-point de Bambeto, nous l’avons assuré que nous pouvions rentrer à pied et cela nous fera du sport. Nous descendîmes donc de son véhicule, le cœur intrépide et les jambes se préparant déjà à se lancer dans un sprint. Nous attaquâmes donc la route qui mène à notre hôtel. Très vite, les lampadaires disparurent et nous avancions maintenant dans une obscurité relative. Soudain, la voie s’incurva vers le bas. Nous marchons pratiquement au pas de course. Puis, le relief de la voie se releva. Alors là, nous commençâmes à suer et à ahaner sérieusement.
Lorsque nous sommes arrivé au sommet de cette pente, nous nous sommes arrêté pour souffler. Lorsque nous avons alors jeté un coup d’œil sur la suite du parcours, notre cœur chavira. La même chaîne de collines se présentait à nous. "Tiens, j’avais oublié que ce pays était fait pour les alpinistes !" nous sommes-nous dit. Un Ouagalais à Conakry !